Petite parenthèse heureuse en ces temps de grisaille, et nulle analyse aujourd'hui. Simplement, je voudrais saluer un disque qui fait du bien. En trois CD, Decca propose de célébrer l'Amour, à travers un florilège allant du lyrique à la chanson française, en passant par le jazz. La pochette et les dessins intérieurs sont signés Wolinski, courbes tendres sur un tapis de fleurs. Comme un symbole...
Chacun ira vers son genre de musique favori, bien entendu, mais les passerelles se feront d'elles-mêmes. Car les morceaux choisis sont judicieux.
Bien entendu, les questions de droits et d'exclusivités ont exclu de cette sélection quelques moments qui sembleraient indispensables. Le "classique" n'en souffre pas, les interprètes "maison" ayant suffisamment couvert le répertoire. Le jazz offre une succession de perles fines constituant un sublime collier à offrir à celle qu'on aime, et qui ne peut finir que comme unique vêtement. Mais quelques regrets accompagnent l'écoute de la partie "chanson française". Non que les titres choisis ne soient pas des merveilles, bien au contraire (à l'exception, peut-être, de Tout l'amour par Dario Moreno, un peu hors de propos au vu du voisinage). Mais comment, dans cette compilation de chansons qui visite un âge d'or, se passer de Brassens (pour La non-demande en mariage ou Bonhomme), de Barbara (Dis, quand reviendras-tu ou, surtout, le sublime À peine) de Reggiani ou du trop peu écouté aujourd'hui Charles Dumont ? Oui, question de droits, probablement. Un seul Brel (Quand on n'a que l'amour, mais pas La quête), aucun Piaf...Gréco, en revanche, a la part belle avec quatre titres, dont un Parlez-moi d'amour aussi suggestif que son Déshabillez-moi. Ferré a droit à trois chansons, et l'on retrouve Ferrat, Salvador, Montand côtoyant Félix Leclerc ou le trop méconnu Areski Belkacem. Alors oui, on déplore des absences, mais ce qui nous reste est tout de même du domaine patrimonial.
Côté lyrique, "l'écurie maison" est de sortie, avec de beaux, voire de très grands moments. Retrouver le duo Tom Krause/Lucia Popp dans Là ci darem la mano provoque à la fois plaisir et émotion et on ne se lassera jamais de O soave fanciulla quand il est chanté par Freni et Pavarotti. Bergonzi et Tebaldi pour Madama Butterfly, Fleming, Von Otter, Garanca, Crespin dans un extrait des Trois valses, Alagna pour sa version d'Una furtiva lagrima tirée d'un manuscrit de Donizetti retrouvé par Evelino Pido avec ses variations, Pollet et Lakes pour Les Troyens...du beau monde (même si je m'étonne du choix de Gheorghiu en Gilda, certes honorable, mais quand on a Anderson, pour ne rien dire de Sutherland, au catalogue...).
Mais, toujours un peu frustré par des extraits d'opéras sortis de leur contexte, je garderai d'abord précieusement le CD "jazz", avec sa collection de pépites. Le Fever de Peggy Lee donne le ton, et anciens et modernes se succèdent pour près d'une heure de bonheur absolu qui rendrait amoureux les plus blasés. Armstrong, Nat King Cole, Madeleine Peyroux, Aretha Franklin, Sarah Vaughan (Tenderly !!!), Nina Simone, Ella Fitzgerald, Getz et Gilberto, Etta James, Diana Krall, Melody Gardot...Déjà, la liste donne envie de préparer les cocktails et de tamiser les lumières.
Et chacun pourra se faire sa propre sélection en mélangeant les genres, en inventant une histoire, qui pourrait commencer par Deh, vieni, non tardar et se poursuivre par Let's fall in love, Parlez-moi d'amour, Je te veux, Déshabillez-moi, Teach me tonight...Faites votre propre menu, il y a de quoi déguster plusieurs festins !
Compilation pour grand public, oui, mais intelligemment pensée et sans démagogie putassière. Alors...Try a little tenderness !
Decca Records/Universal Music - Sortie le 27 avril 2015.