Après avoir revu le bien beau Deliverance, j'ai consulté les critiques les plus récentes postées sur AlloCiné. Je ne m'étendrai pas sur le nombre d'étoiles accordées, un film appartient à celui qui le regarde. Mais une idée revient souvent, qui me fait quelque peu sortir de mes gonds : la mise en scène aurait vieilli, voire serait datée...
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Ainsi, certains croient encore à la notion de "progrès" en art. Sous prétexte d'évolutions technologiques permettant tous les effets, spéciaux ou non, une réalisation de 1972 serait comme
obsolète. Le sens de l'Histoire propagerait donc sa gangrène dans les oeuvres d'art...Poussons alors les feux jusqu'au plus fort de l'incandescence. Schubert, Beethoven ou Brahms composaient
selon des règles tonales bien définies, même s'ils les sublimaient : datés. Balzac, Flaubert, Proust nous créaient un monde romanesque dans une
langue ignorant l'élision, le verlan ou le style SMS : vieillis, ne les lisons pas. Plus un peintre aujourd'hui n'expose de toiles influencées par
Rembrandt ou Vermeer, boudons Amsterdam et sa poussière.
Et applaudissons Koons défigurant Versailles sous l'oeil amoureux d'un Aillagon cassant notre tirelire. En feignant d'ignorer que, très vite, le montreur de homard en plastique sera tombé dans un
oubli duquel il n'aurait jamais dû sortir, quand la Galerie des Glaces continuera de briller de toutes ses splendeurs.
Comparaison n'est pas raison ? Peut-être. Mais admettons une fois pour toutes que les termes "vieillis" ou "datés" peuvent à la rigueur s'appliquer à un propos, à un discours, pas à un regard ou
à une mise en scène. Cette dernière est simplement bonne, travaillée, choisie, cohérente, impose une atmosphère et un climat, ou bien ratée, anachronique, vide de tout oeil cinématographique, en
un mot mauvaise. Chacun pourra alors placer Deliverance dans l'une ou l'autre catégorie. Mais vieillie et datée, non. Ou alors, Avatar fut daté dès sa sortie en salle, parce que cherchant à flatter la mode et l'air du temps, cet air où seules volent les feuilles mortes. Et méditons ces mots de
Chesterton : "Nous ne modifions pas le réel pour l'adapter à l'idéal, nous modifions l'idéal. C'est plus facile..." (G.K. Chesterton : Orthodoxie).
© Franz Muzzano - Janvier 2011. Toute reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Tous droits réservés.